Partager
Récréation sonore : un violent désir de bonheur
dimanche 9 avril 2023
Ces dernières semaines, depuis l'annonce du 49.3, les poubelles brûlent, les piquets tiennent, et les manifestant et manifestantes ne veulent plus rentrer le soir. J’ai voulu réunir des sons qui me restent en tête parce qu’ils sont de ceux qui donnent envie de se rassembler encore, d’inventer de nouvelles formes de sons et de révoltes, comme cette banderole aperçue en manif : un violent désir de bonheur. Chantal Dumas, Jouer avec le feu, 2006 Chaque son est quelque part une fiction, une histoire de vie et de mort. Avec des éléments de la sonothèque gratuite Freesound et en particulier des contributeurs Acutescream, Cfork, Emmanuel, Fonogeno, Greyseraphim, Jovica, Cyril Laurier, Leady, Luffy, Lunardrive, Suonho et Victorcenusa. La vie manifeste - L’insurrection qui reste https://laviemanifeste.com/archives/12015 la site de la vie manifeste avec des nouvelles chansons pour Ste-Soline Dominique Petitgand - La question est posée "Un certain nombre de films ont documenté dans les années 70 les luttes paysannes, ouvrières et étudiantes (avec l’idée qu’il n’y a qu’une seule lutte), et dans ces documents, il y a surtout (j’y ai surtout entendu) des voix : des personnes qui parlent, témoignent, haranguent la foule, hurlent, slogantent et parfois même pleurent. Ces voix, individuelles ou collectives, nues ou au mégaphone, possèdent une émotion, une tension, une charge, qui nous parlent aujourd’hui. J’ai fait une composition avec quelques fragments de ces voix, en les isolant de leur contexte, en mélangeant les époques, les lieux, les situations, en créant entre elles des liens, des rebonds, des rythmes, des ruptures, des vides, pour un collage vocal, bruitiste, affectif et musical qui compose une figure suggestive et intemporelle de la lutte. J’ai toujours travaillé avec des voix que j’enregistre moi-même, des personnes que je connais ou rencontre, mais cette fois-ci - à la suite d’une commande de Guillaume Désanges et François Piron pour l’exposition Contre-vents au centre d’art Le Grand Café à Saint-Nazaire - je suis parti de voix que je ne connaissais pas, qui venaient d’un passé, loin de moi, mais qui me sont devenues proches par l’écoute, proches par ce que j’ai éprouvé en les écoutant." (Dominique Petitgand) Avec les extraits sonores des films de Soazig Chappedelaine & René Vautier (Quand les femmes ont pris la colère - 1978), Armand Gatti (Le baille le train la moëre - 1976), Daniele Jaeggi (C'est tout pour nous et vous - 1974), Nicole Le Garrec (Plogoff, des pierres contre des fusils - 1980), Nicole Le Garrec & René Vautier (Quand tu disais Valery - 1975), Jean-Louis Le Tacon (Bretonnerie pour Kodakrome - 1974, Marche au Larzac - 1973, Voici la colère bretonne - 1976), Carole Roussopoulos (Les Travailleuses de la mer - 1985), René Vautier (Marée noire et colère rouge - 1978), et d'un enregistrement de Bruno Serralongue (Notre-Dame-des-Landes, 2016) Cette création a été réalisée pour Arte Radio. Le ultime voci di Radio Alice - 12 mars 1977 Radio Alice était une communauté d’artistes, poètes, « hackers » avant l’heure, auditrices et auditeurs. En 1976 à Bologne, dans le contexte du mouvement communiste opéraïste (« ouvriériste ») prônant le refus du travail pour lutter contre le capitalisme, un groupe de jeunes gens réalise le rêve de Bertolt Brecht : une radio horizontale, pas seulement adressée à un public, mais construite par lui-même. La radio devenait un précurseur des réseaux sociaux numériques d’aujourd’hui : qui perdait son vélo demandait de l’aide aux autres pour le retrouver dans les rues de la ville. Plus encore, le studio de Radio Alice était le quartier général d’où l’on luttait contre la police et aussi un lieu de construction collective de sens et d’expérimentation linguistique. Au lendemain de la mort d’un étudiant en médecine, Francesco Lorusso, pendant une importante manifestation des étudiant·es de la gauche non-parlementaire contre la police, le gouvernement ferme la radio de force le 12 mars 1977. Des documents autour de Radio Alice peuvent être consultés sur le site radioalice.org, dont des extraits sonores (rubrique « Suoni »). Lire aussi cette interview de Franco Berardi réalisée en 2005 où il raconte les débuts de Radio Alice. source Megaradio MegaRadio contre MégaBassines Céline Lemaître - Ziggy va aux Mégabassines Le 25 mars 2023, sur la commune de Sainte-Soline, dans les Deux-Sèvres, Ziggy s’en va aux Mégabassines, se joindre aux trente milles manifestant·es qui répondent présent.es à l’appel des Soulèvements de la Terre. Ielles veulent clamer leur refus de la privatisation des précieuses ressources en eau et le risque que font peser les Mégabassines sur le cycle fragile de l’eau. Ziggy y a retrouvé Paprika, Chocolat, Bisou et tant d’autres. Des militant·es flamboyants, grimés de noir et de bleu, armé·es de leur joie, de leur détermination, de leurs convictions profondes qu’un autre monde doit advenir, que le monde capitaliste penche et tombera, tout mortifère et décadent qu’il est. Ziggy est un·e combattant·e, une.e résitant·e, conscient·e que les forces du désordre sont de la partie et de la violente et brutale répression qu’elles font peser sur les corps et les esprits. Ainsi, Ziggy s’en va aux Mégabassines. Iel choisit le cortège des Loutres, pavillon jaune claquant au vent. Iel peut compter sur les copaines des cortèges bleu anguille et rose outarde. Par des chemins différents, on s’est promis de se retrouver à la bassine et d’y planter nos drapeaux jaune, bleu et rose. Ziggy s’en va aux Mégabassines en chantant, avec facétie et fantaisie. Iel marche beaucoup, traverse des champs, crotte ses chaussures et sourit beaucoup. Ziggy veut lutter dans la joie, la musique et l’amitié. La révolution à venir n’en sera que plus belle. La fanfare et la batucada le portent, les copaines aussi, évidemment. Ziggy, c’est vous, c’est eux, c’est toi, c’est moi, c’est elle, c’est lui, c’est iel. C’est nous. On est là, on ne partira pas. Nicolas Montgermont - Prendre sa place, 24 janvier 2020 À Paris, après la fin officielle de la manifestation, les manifestant⋅es se font encadrer par un cordon policier qui les conduit au milieu de la circulation, place de la Madeleine. Désemparé⋅es par la situation, avec l’impression de s’être fait balader toute la journée en vain et une furieuse envie de produire quelque chose, on occupe spontanément le milieu de la place et on entonne le chant des Gilets jaunes : On est là ! Répété inlassablement pendant plus de sept minutes, ce chant agrège des dizaines d’autres manifestant⋅es et interrompt la circulation : chouette, on est enfin en manif ! le Groupe Medvedkine & Jean-Pierre Thiébaud, Le traîneau-échelle, 1971 Le traîneau-échelle, est un film du groupe Medvedkine. Le groupe Medvedkine est un groupe d’ouvriers qui se sont emparés des caméras pour raconter eux-mêmes leurs conditions de travail, sans laisser à d’autres le soin de parler en lieu et place d’eux. On est en 1967, et l’usine Rhodiaceta de Besançon est occupée contre l’interdiction de parler, de fumer, de discuter ou de se syndiquer. La plupart des ouvriers, alors âgés de 20 à 25 ans, était en 4/8, c’est-à-dire que l’usine ne s’arrêtait jamais. Ils commencent à occuper l’usine tous les dimanches, puis, c’est “la grande grève” comme ils l’appellent, à partir du 27 février 1967. Elle annonce mai 68, et attire un groupe de cinéastes qui veulent filmer les conditions de travail, avec Chris Marker en tête. Mais son film à bientôt j’espère ne plaît pas aux ouvriers. Alors, Chris Marker leur dit que s’ils ne sont pas contents de son travail, ils peuvent leur donner les moyens de réaliser le leur. Les caméras et les pellicules sont mises en commun. Une émulation se crée, avec une grande joie de s’exprimer, de filmer et de parler. Ils se nomment Medvedkine en référence au réalisateur russe du même nom qui parcourut l’URSS en ciné-train pendant un an au début des années 1930 avec un message révolutionnaire. Le train servait de laboratoire de cinéma et de salle de projection. Beaucoup de pamphlets cinématographiques ont été faits. Ce sont des films souvent collectifs, qui montrent la façon dont le travail abîme le corps, le rapport entre les êtres. Parmi eux, le traîneau-échelle est plus l’expression d’une individualité. C’est un film poétique à la première personne. Quand il fait ce film, Jean-Pierre Thiébaud a 22 ans. On ne sait pas grand-chose de lui. Seulement qu’il a été élève dans une école d’horlogerie, qu’il dessine et grave, répare lui-même sa voiture et participe activement aux grèves de la Rhodiaceta. Ce film, il l’a réalisé seul dans une cave qui avait été transformée en salle de montage. C’est un film fait au banc titre, image par image. Une caméra fixe filme des images fixes, comme des photographies ou des dessins. Les images filmées venaient du stock du centre culturel populaire de Besançon et le texte a été écrit par Jean-Pierre Thiébaud. La pétition pour la dissolution de la BRAV-M : https://petitions.assemblee-nationale.fr/initiatives/i-1319 La tribune des soulèvements de la terre : https://lessoulevementsdelaterre.org/blog/nous-sommes-les-soulevements-de-la-terre Dans lundi matin, le piège de Sainte-Soline et quand les renseignements font l'éloge des soulèvements de la terre une émission réalisée par ella bellone